Mon patient Sigmund Freud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Mon patient Sigmund Freud de Tobie Nathan

par Stéphanie Albarède

 

La main saisit le livre. Le regard déchiffre le titre alléchant. La main retourne le livre pour que l’esprit puisse s’imprégner du résumé : quoi de plus normal que Vienne y soit citée pour un patient au nom de Freud ? Et le lecteur entame le roman. Que fait-il au Burundi ? Rassurez-vous, il le sait très vite. Démarrage de choc pour ce roman original.
De l’Afrique contemporaine à l’Autriche de la première moitié du 20ème siècle, Tobie Nathan nous fait découvrir en parallèle la vie de deux hommes : Léopold Caro universitaire expatrié de son passé en Afrique, Isaac Rabinovitch exilé de sa Russie natale à Vienne, haut lieu de la psychanalyse. Le hasard fait que le premier devient le détenteur du journal intime du second. A travers les remous d’une Afrique instable, Léopold devient la cible de plusieurs nations, les carnets détiennent un secret dont beaucoup rêvent de s’emparer. Léopold raconte son aventure au fil de la lecture des pages d’Isaak. Un très bon roman où la façon de traiter l’intrigue attise l’addiction du lecteur et les descriptions le plongent dans un autre temps grâce au charme suranné d’une Vienne en effervescence intellectuelle, dans un autre monde grâce au magnétisme sensuel d’une Afrique en ébullition politique.
Et Freud ? Il est omniprésent. Isaac a été élu par Sigmund comme son confident. Il consigne leurs entretiens dans ses carnets. Et l’on découvre ainsi la face cachée du professeur, de sa vie privée à ses théories, mais aussi tous les protagonistes des balbutiements de la psychanalyse. La narration de faits peu connus du lecteur lambda donne une seconde dimension au livre, avec cependant un petit bémol : qu’est ce qui relève de l’imaginaire, de la réalité et surtout du parti pris de l’auteur ? La psychanalyse apparaît souvent fumeuse, pratiquement inefficace (le suicide est monnaie courante), les méthodes des pionniers de cette discipline pourraient s’apparenter à celles de sectes. Freud un être tyrannique ? « Un chef des esprits, maître du vent » ? Le lecteur cherchera la vérité entre les lignes sans jamais l’atteindre mais n’en délaissera pas moins le livre. Finalement, le manque d’objectivité est presque une qualité, véritable catalyseur d’intérêt. La main refermera le livre, avide d’un prochain pour satisfaire la curiosité de l’esprit sur les prémices de la psychanalyse.