étude

Un siècle d'histoire du logement social à Puteaux

Par Jean Pierre Brut

Annexe 8

Allocution de Monsieur HENRI SELLIER
Séance du Conseil Municipal du 18 février 1913
Création d'un Syndicat intercommunal pour la constitution d'un
Office Public des Habitations ouvrières à bon marché

M. SELLIER, au nom de la Commission des Finances pose les considérations suivantes :

Citoyens,

La loi du 12 avril 1906 avait permis, en principe, aux communes d'intervenir pour développer les habitations ouvrières, et notamment de consentir des prêts, souscrire des actions, céder des terrains, garantir des dividendes et des intérêts aux sociétés d'habitations. Pratiquement, les résultats obtenus par cette Loi ont été tout à fait insignifiants.

La loi du 23 décembre 1912 a élargi notablement le champ d'action des collectivités administratives en la matière.

Cette loi a accru la liberté d'action des communes pour les emplois déjà autorisés par la loi du 12 avril 1906 ; la durée de garantie de l'intérêt des actions est portée de 10 à 20 ans ; elle n'est plus limitée pour les obligations.

Elle a autorisé l'intervention directe des communes pour la construction d'habitations à bon marché collectives, comprenant des logements pour famille nombreuses et pour la gestion de ces immeubles comme pour la construction et la gestion d'habitations ouvrières à bon marché de toute catégorie, elle a prévu la constitution d'offices publics d'habitations à bon marché possédant les prérogatives les plus étendues.

Il est inutile de souligner combien est aiguë la crise du logement dans notre banlieue Ouest. L'accroissement de la construction est loin de correspondre à l'augmentation de la population, surtout à l'extension considérable de l'industrie.

Nombre d'ouvriers travaillant dans nos communes n'y peuvent habiter et sont obligés de faire matin et soir un long trajet pour se rendre à leur occupation.

D'autre part, l'excès de demandes aboutit à un renchérissement des loyers qui depuis quelques années a été hors de proportion avec l'augmentation indéniable du prix de la construction.

Les familles nombreuses, généralement les plus misérables, trouvent de faire face des difficultés de plus en plus grandes pour se loger surtout dans des conditions d'hygiène satisfaisantes.

L'intervention de nos communes en matière d'habitations à bon matché paraît donc d'une priorité incontestable. Elle peut affecter trois formes :

1°) - Subvention ou souscription d'actions, garantie d'intérêt aux sociétés privées, coopératives ou anonymes existantes ou à constituer.
2°) - Construction d'habitations hygiéniques mais dépourvues de toute espèce de confort afin que le prix de revient en soit limité au minimum, en vue de loger les familles nombreuses dans la misère, usage pour ces habitations de la faculté prévue à l'article 32 de la loi du 23 décembre 1912 de prendre une partie du loyer des familles nécessiteuses à la charge de la commune jusqu'à concurrence de 1% du prix de revient de l'immeuble.
3°) - Construction d'immeubles collectifs avec toutes les conditions d'hygiène et de confort désirables dans la mesure où le prix de revient de cet immeuble permet d'en fixer les loyers à un taux inférieur aux conditions normales de la région.

Il appartiendra à la commune de Puteaux d'examiner les conditions dans lesquelles elle pourrait mettre en œuvre les 2 premiers modes d'intervention.

Je vous proposerai de charger votre Commission des Finances d'en poursuivre l'étude.

En ce qui concerne le 3e mode, il nous a semblé que le résultat visé serait d'autant plus facilement atteint que l'effort réalisé serait plus considérable ; que d'autre part la situation des autres communes étant au point de vue du logement la même que celle de Puteaux, il serait au plus haut point désirable qu'un effort collectif soit réalisé par les 3 communes du Canton.

C'est en ce sens qu'à la séance du 13 décembre vous avez demandé aux municipalités de Suresnes et de Nanterre d'examiner la question avec nous.

A la suite de nos réunions des 27 décembre 1912 et 17 février 1913, de la conférence de M. le Sénateur STRAUSS du 10 février, les délégués des 3 communes se sont mis, en principe, d'accord sur la nécessité d'une action collective.

La commune de Courbevoie a décidé d'y adhérer.

Il y a donc lieu d'examiner dans les limites fixées par la loi quelle pourrait être la forme de cette action.

La loi du 23 décembre 1912 précitée prévoit à son titre II que l'action des communes ne peut se produire que par l'intermédiaire d'offices publics d'habitations à bon marché, gérés par un Conseil d'administration de 18 membres dans lequel 6 seulement représentant l'élément électif.

Ces offices peuvent être constitués soit par les communes, soit par les départements, soit , et c'est ce qui nous intéresse en l'espèce, par des unions de communes.

Il va sans dire que la constitution de ces offices n'engage en rien la participation financière des collectivités administratives qui les ont constitués et que l'effort particulier d chaque commune eu sein d'un office intercommunal est subordonné aux décisions de son Conseil Municipal.

Ce concours financier peut d'ailleurs se borner à des prêts garantis par 'office public sur les revenus des immeubles qu'il pourra construire.

En ce qui concerne les emprunts que devront faire les communes pour prêter aux offices, le même contrôles est exercé par l'administration préfectorale et le Conseil d'État que sur les conditions des réalisations ordinaires.

Et pour qui connaît la prudence excessive avec laquelle nos tuteurs consentent ces emprunts qu'après s'être assurés de la solidité des ressources destinées à y faire face, aucune appréhension n'est possible en ce qui concerne l'engagement de la responsabilité financière des communes par les opérations des offices d'habitations à bon marché.

Aucune difficulté, dans ces conditions, ne saurait être soulevée contre la participation de la Commune de Puteaux à la création d'un office intercommunal.

L'article 12 de la loi a ainsi déterminé les conditions de la constitution :
" Les offices publics d'habitations ouvrières à bon marché constituent des Établissements publics. Ils sont créés par décrets rendus en Conseil d'État sur la proposition du Ministre de l'Intérieur et du Ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale à la demande de ….., soit des Conseils Municipaux des communes ayant à cet effet constitué un syndicat en conformité du Titre 8 de la loi du 5 avril 1884 et après avis de comités d'habitations à bon marché de la Prévoyance Sociale intéressés et du Comité permanent du Conseil Supérieur des habitations à bon marché. "

La première besogne qui s'impose est donc la création d'un syndicat intercommunal dans les formes prévues à l'article 169 de la loi du 5 avril 1884 sur l'administration municipale, lequel syndicat prendra ensuite l'initiative de la constitution d'un office.

L'article 169 sus-visé est ainsi conçu :
" Article 169 L - Lorsque les Conseils Municipaux de 2 ou plusieurs communes ont fait connaître par des délibérations concordantes que leur volonté d'associer les communes qu'ils représentent en vue d'une œuvre d'utilité intercommunale et qu'ils ont décidé de consacrer à cette œuvre des ressources suffisantes, les délibérations prises sont transmises par le Préfet au Ministre de l'Intérieur et s'il y a lieu un décret rendu en Conseil d'État autorise la création de l'association qui prend le nom de syndicat des communes. "

Je vous proposerai de vouloir bien prendre aujourd'hui une délibération manifestant votre intention d'associer les communes de Puteaux Suresnes Nanterre et Courbevoie, pour la création d'un office public intercommunal d'habitations à bon marché. Le fonctionnement de cet office n'entraînant d'autres charges obligatoires que les dépenses fort minimes de ses études et de son administration, la commune de Puteaux peut affirmer en même temps son intention d'y consacrer pour sa part des ressources suffisantes.
Le Conseil Municipal de Puteaux, vu les articles 11, 12, 13 de la loi du 23 décembre 1912, modifiant et complétant la loi du 12 avril 1906 sur les habitations à bon marché, vu l'article 169 de la loi du 5 avril 1884 sur l'administration communale, sur la proposition de sa Commission des Finances,
considérant :

    Du plus haut point nécessaire de constituer un office public d'habitations à bon marché prévu à     l'article 11 de la loi du 23 décembre 1912 et ayant aux termes du dit article pour objectif "     l'aménagement, la construction, la gestion d'immeubles salubres régis par la loi du 12 avril 1906 ainsi     que l'assainissement des maisons existantes, la création de cités jardins ou de jardins ouvriers, ces     immeubles pouvant comprendre des locaux à usages communs, tels des buanderies, bains douches,     garderie d'enfants, terrains de jeux, etc.…et des boutiques à destination commerciale pourvu qu'il n'y     soit pas vendu de boissons alcooliques.

    Que la réalisation du but poursuivi par le dit office sera d'autant plus facile que son champ d'action     sera plus vaste.

    Que les communes de banlieue appartenant à la même région ont le plus grand intérêt à concentrer     leurs efforts afin de les orienter dans un sens unique et leur donner le maximum de puissance.

    Que dans ces conditions il paraît infiniment désirable de donner à l'office public précité un caractère     intercommunal, le but qu'il poursuit présentant par essence un intérêt général.

    Que la participation des communes de Suresnes, Nanterre, Courbevoie, Puteaux à cet office est     d'autant plus désirable que la situation géographique et la constitution économiques de ces     communes créent entre elles des liens de solidarité effectifs ;

Considérant :

    Que l'article 12 de la loi du 23 décembre 1912 précitée a subordonné la constitution d'un office
     intercommunal d'habitations ouvrières à la réalisation préalable d'un syndicat des communes dans les     formes prévues à l'article 169 de la loi du 5 avril 1884 sur l'administration communale,

Délibère :

Article I - Il y a lieu pour la Commune de Puteaux de constituer avec les communes de Courbevoie, Nanterre et Suresnes un syndicat intercommunal en vue de créer un office public d'habitations à bon marché dans les formes prévues aux articles 11, 12, et 13 de la loi du 12 avril 1906 sur les Habitations à bon marché.

Article II - La Commune de Puteaux, dans la mesure de sa part, conservera à cette œuvre les ressources nécessaires à son fonctionnement et à son administration.

Adopté