étude

Un siècle d'histoire du logement social à Puteaux

Par Jean Pierre Brut

Annexe 6

Extrait du Juif Errant d'Eugène SUE, description de "la maison commune"
Quatorzième partie - chapitre II

............."Rien n'était d'un aspect plus simple et plus gai que la maison commune des ouvriers. Son toit de chalet en tuiles rouges s'avançait au-delà des murailles blanches, coupé çà et là par de larges assises de briques qui contrastaient agréablement avec la couleur verte des persiennes du premier et du second étage. Ces bâtiments, exposés au midi et au levant, étaient entourés d'un vaste jardin de dix arpents, ici planté d'arbres en quinconce, là distribué en potager et en verger."

"Disons deux mots du logement que le forgeron occupait dans la maison commune, à raison d'un prix incroyablement minime de soixante quinze francs par an, comme les autres célibataires. Ce logement situé au deuxième étage, se composait d'une belle chambre et d'un cabinet exposés en plein midi et donnant sur le jardin ; le plancher, de sapin, était d'une blancheur parfaite ; le lit de fer, garni d'une paillasse de feuilles de maïs, d'un excellent matelas et de moelleuses couvertures ; un bec de gaz et la bouche d'un calorifère donnaient, selon le besoin, de la lumière et une douce chaleur dans la pièce, tapissée d'un joli papier perse, et ornée de rideaux pareils ; une commode, une table en noyer, quelques chaises, une petite bibliothèque, composaient l'ameublement d'Agricole ; enfin, dans le cabinet, fort grand et fort clair, se trouvaient un placard pour serrer les habits, une table pour les objets de toilette, et une large cuvette de zinc au-dessous d'un robinet donnant de l'eau à volonté."

A la lingerie commune ; "le corridor qu'il traversa était large, éclairé par le haut, et planchéié de sapin d'une extrême propreté."

"Le forgeron descendit prestement l'escalier, traversa la cour en boulingrin, planté d'arbres au milieu desquels jaillissait une fontaine d'eau vive, et gagna l'autre aile du bâtiment. Là se trouvait l'atelier où une partie des femmes et des filles des ouvriers associés, qui n'étaient pas employées à la fabrique, confectionnaient les effets de lingerie. Cette main d'oeuvre, jointe à l'énorme économie provenant de l'achat des toiles en gros, fait directement dans les fabriques par l'association, réduisait incroyablement le prix de revient de chaque objet. Après avoir traversé l'atelier de lingerie, vaste salle donnant sur le jardin, bien aéré pendant l'été, bien chauffé pendant l'hiver, Agricol alla frapper à la porte de la mère d'Angèle.

Si nous disons quelques mots de ce logis, situé au premier étage, exposé au levant et donnant sur le jardin, c'est qu'il offrait pour ainsi dire le spécimen de l'habitation de ménage dans l'association, au prix toujours incroyablement minime de cent vingt-cinq francs par an. Une sorte de petite entrée donnant sur le corridor conduisait à une très grande chambre, de chaque côté de laquelle se trouvait une chambre un peu moins grande, destinée à leur famille, lorsque filles ou garçons étaient trop grands pour continuer à coucher dans l'un des deux dortoirs établis comme des dortoirs de pension et destinés aux enfants des deux sexes. Chaque nuit la surveillance de ces dortoirs était confiée à un père ou à une mère de famille appartenant à l'association. Le logement dont nous parlons se trouvant, comme tous les autres, complètement débarrassé de l'attirail de la cuisine, qui se faisait en commun dans une autre partie du bâtiment, pouvait être tenu dans une extrême propreté. Un assez grand tapis, un bon fauteuil, quelques jolies porcelaines sur une étagère en bois blanc bien ciré, plusieurs gravures pendues aux murailles, une pendule de bronze doré, un lit, une commode et un secrétaire d'acajou, annonçaient que les locataires de ce logis joignaient un peu de superflu à leur bien-être."

..............Le dortoir des filles "vaste dortoir, pareil à celui d'une excellente pension. Les petits lits en fer étaient symétriquement rangés ; à chacune des extrémité se voyaient les lits des deux mères de famille qui remplissaient le rôle de surveillante."

..............Le fruitier commun " une grande salle garnie de tablettes où des fruits d'hiver étaient symétriquement rangés ; plusieurs enfants de sept à huit ans, proprement et chaudement vêtus, rayonnant de santé, s'occupaient gaiement, sous la surveillance d'une femme, de séparer et de trier les fruits gâtés."

..............La cuisine commune : "l'office culinaire de la maison commune était immense ; tous ses ustensiles étincelaient de propreté ; puis, grâce aux procédés aussi merveilleux qu'économiques de la science moderne (toujours inabordables aux classes pauvres auxquelles ils seraient indispensables, parce qu'ils ne peuvent se pratiquer que sur une grande échelle) non seulement le foyer et les fourneaux étaient alimentés avec une quantité de combustible deux fois moindre que celle que chaque ménage eût individuellement dépensée, mais l'excédent de calorique suffisait, au moyen d'un calorifère parfaitement organisé, à répandre une chaleur égale dans toutes les chambres de la maison commune. ( .....) Et pourtant nous ne dépassons pas plus de vingt-cinq sous par jour, pour être beaucoup mieux nourris que nous ne le serions pour trois francs à Paris."

..............Le réfectoire "c'était une vaste salle bâtie en forme de galerie et éclairée par dix fenêtres ouvrant sur le jardin ; des tables recouvertes de toile cirée bien luisante étaient rangées près des murs : de sorte que pendant l'hiver, cette pièce servait le soir, après les travaux, de salle de réunion et de veillée, pour les ouvriers qui préféraient passer la soirée en commun au lieu de la passer seuls chez eux ou en famille. Alors dans cette immense salle, bien chauffée par le calorifère, brillamment éclairée au gaz, les uns lisaient, d'autres jouaient aux cartes, ceux-là causaient ou s'occupaient de menus travaux." (....) Le dimanche elle se transformait en salle de bal et le samedi et le dimanche en salle de concert.

La salle de malades " une cotisation annuelle nous permet d'avoir un très bon médecin ; de plus, une caisse de secours mutuels est organisée de telle sorte qu'en cas de maladie chacun de nous reçoive les deux tiers de ce qu'il reçoit en santé."

.............."La buanderie et le lavoir d'eau courante, chaude et froide, et puis, sous ce hangar, est le séchoir."