étude



" Un peintre méconnu : Auguste Durst "


Par Jean Roussaux



          Jean-Baptiste-Auguste Durst (1842-1930) est un de ces peintres de la fin du XIXème siècle et du début du XXème dont l'œuvre est encore de facture « classique », loin des révolutions qui affecteront la peinture à l'aube du XXème siècle avec l'avènement cubiste et l'introduction de l'art abstrait. Si Durst nous intéresse ici, c'est parce qu'il a effectué une partie de son œuvre à Puteaux , qu'il y est mort et que certaines de ses compositions représentent des quartiers de Puteaux . .

          Auguste Durst est né à Neuilly/Seine dans une famille plutôt aisée. Ses parents tenaient un restaurant rue de Tilsitt, le jardin de Tilsitt. Ils lui laisseront un héritage suffisant pour qu'il puisse s'adonner à la peinture sans obstacles matériels. Jeune, il manifeste déjà un goût pour le dessin et la peinture et après son service militaire, il fréquente à l'École des Beaux-Arts l'atelier d'Ernest Hébert, un peintre prix de Rome, renommé sous le second empire. .

          Dès 1868 il expose au salon des Artistes Français auquel il restera longtemps fidèle. Il participera avec régularité à des salons jusqu'aux alentours de 1924 où il présente à Bordeaux un paysage normand. Ces participations lui vaudront de nombreuses récompenses, médailles de bronze ou d'argent et même une légion d'honneur en 1902.

Recommandé par Hébert, vers 1884, il devient élève de Léon Bonnat, un illustre peintre et graveur natif de Bayonne, membre de l'Institut et collectionneur d'art. Il achètera d'ailleurs à Durst une de ses œuvres pour le musée de Bayonne : le paysage aux poules (fig1), une belle huile pleine de volatiles.



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          La guerre de 1870 le voit s'exiler à Londres, peut-être pour échapper à des mesures de rétorsion contre ceux qui avaient participé à la Commune, ce qui était son cas. Il revient rapidement, en 1872, dans sa maison familiale rue de Tilsitt et participe à nouveau au Salon des Artistes Français. Puis autour de 1881-82 il s'installe à Puteaux au 40 Avenue de la Défense dans un petit hôtel particulier (fig 2). Entre 1902 et 1907, il partagea son temps entre cette demeure et sa maison de Saint-Vaast-d'Équiqueville, une charmante bourgade du Pays de Bray. C'est là qu'il accomplit une partie de son œuvre, parcourant le bocage, accumulant croquis (fig 3) et petites huiles qu'il transposera dans son atelier de Puteaux en des toiles achevées.



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A Puteaux , il fréquente en voisin Edouard Vuillard et Frantisek Kupka, deux peintres à la production plus aventureuse que la sienne (fig 4, fig 5). Il restera en effet fidèle à une esthétique qui le portait plus vers l'École de Barbizon que vers de périlleuses abstractions.

De Puteaux , des environs, et du pays de Bray il laisse quelques toiles très informatives qui remplacent avantageusement la photographie (fig 6, fig 7, fig 8)). Plusieurs de ses œuvres ont été acquises par l'Etat et on peut en voir certaines dans des musées *. Il s'éteint à Puteaux en 1930.



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* Le Musée des Beaux-Arts Bonnat-Helleu de Bayonne présente le paysage aux poules, Le Musée Roybet-Fould de Courbevoie : crue de la Seine à Courbevoie, huile/toile (1910) et Courbevoie pendant les inondations de 1910, huile/toile (1910). Enfin la Ville de Puteaux détient quelques tableaux actuellement en réserve au Service des Archives : des huiles/toile : Roque de Fillol (portrait,1881), Monsieur Mars (portrait attribué à Durst, sans date), Paysage marin (sans date), une aquarelle, Le Château de Puteaux (attribuée à Durst, sans date) et enfin une affiche « Journée de Puteaux, aidons-les » (sans date).

L'œuvre de Durst est avant tout figurative et naturaliste. Elle trouve une bonne partie de son inspiration dans le bocage normand, les fermettes aux toits de chaume (fig 8) et les vergers (fig 9) qui sentent la pomme et le cidre.



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Il a une attirance particulière pour les animaux de la ferme, en particulier les volailles (fig 10) qui peuplent plus ses toiles paysagées que les paysans et les villageois (ici l'enfant est presqu'invisible !). Il trouve aussi l'inspiration dans la représentation du bétail, même lorsque celui-ci est voué à une fin prochaine (fig 11).



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De cette nature, il tire des paysages souvent un peu chargés, parfois un rien trop riches en des verts obscurcis que n'éclairent que de rares touches de lumière. En revanche ses aquarelles (fig 12, fig 13) sont souvent plus lumineuses et plus spontanées.



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Ses qualités de dessinateurs s'expriment dans ses portraits (fig 14, fig 15) et dans quelques nus (fig16) qui ne sont pas sans rappeler des œuvres analogues. Cette production, très classique du point de vue pictural, à laquelle il semble s'être tenu jusqu'à la fin de ses jours, est probablement à l'origine du relatif oubli dont cet excellent peintre a été victime.



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A une époque où se développait un art d'expérimentation basé sur de nouveaux critères que développaient déjà l'impressionnisme, puis les œuvres, solides et colorées, des van Gogh, Cézanne ou Gauguin et enfin le mouvement cubiste, les paysages naturalistes du bocage normand étaient bien passés de mode.



J.R - 06/2021